Hier 14 décembre, le régulateur des télécoms des États-Unis a voté la fin de la neutralité du Net. Qu’est ce que cela signifie pour les citoyens de ce pays ? Et pour nous, en Europe ?
Dorénavant, les fournisseurs d’accès comme Comcast et Verizon (Proximus et Voo chez nous) pourront exiger des producteurs de contenus, c’est-à-dire des sites Internet, de payer pour que les données de ces sites circulent plus rapidement, au détriment des autres sites qui ne veulent pas ou ne peuvent pas payer. C’est l’Internet à deux vitesses : des voies rapides pour les géants du Net, des voies lentes et difficiles pour tous les autres.
(Lire ici pour plus d’infos sur la neutralité du Net et ses enjeux.)
Le vote d’hier ouvre la voie à de nouvelles menaces en Europe
Fin 2015 déjà, l’Europe votait un texte ambigu quant à l’avenir de la neutralité du Net. L’exemple donné par les États-Unis et l’impact économique que cela va avoir pour leurs fournisseurs d’accès va encore faire monter la pression des actionnaires pour plus de profits.
En juillet de cette année, alors qu’elle était entendue par la Chambre, Dominique Leroy, la patronne de Proximus, ne se cachait pas en déclarant : « Cela devient de plus en plus compliqué d’obtenir un retour sur investissement qui justifie justement les investissements. » Autrement dit, Internet n’est pas assez rentable et la neutralité du Net est un obstacle à une meilleure rentabilité. Pourtant, Proximus fait déjà partie des 10 entreprises belges à offrir le meilleur rendement à ses actionnaires (5,4%).
« Une obligation » de passer à un Internet à deux vitesses
L’un des gros concurrents de Proximus en Belgique, le français Orange, ne dit pas autre chose : pour son PDG, la fin de la neutralité du Net serait même « une obligation », il veut un Internet à deux vitesses. En 2016, le PTB a posé une question écrite au Parlement fédéral quant à l’attitude de la Belgique par rapport à la neutralité du Net. Pour le ministre des télécoms, Alexander De Croo (Open Vld), une balance doit être faite entre les intérêts des consommateurs et ceux des fournisseurs d’accès. Mais peut-on vraiment faire des compromis entre le caractère public et démocratique d’un média aussi capital qu’Internet et la soif de profit d’une poignée d’actionnaires ?
Se mobiliser pour un tout autre Internet
La mobilisation importante de citoyens américains via des courriers à la FCC – Federal communications commission, l’organisme américain de régulation des télécommunications – (1,6 million), par des actions devant des sièges des fournisseurs d’accès et sur le Net a poussé deux des cinq membres de la FCC à voter contre ce projet. « Cette décision donne les clés d’Internet à une poignée d’entreprises multimilliardaires », a ainsi déclaré l’une de ces deux opposantes. Cette mobilisation devra encore être encouragée et étendue. En effet, le texte voté par la FCC doit passer devant le Congrès US qui devra confirmer, ou infirmer, cette décision. En Belgique et en Europe, les appétits des Proximus et compagnie sont les mêmes qu’aux États-Unis. Nous devons être vigilants, non seulement pour défendre la neutralité du Net, mais aussi pour exiger un autre Internet que celui du profit, un Internet pour tous et toutes, au service de l’émancipation de la population.