L’Argentine, avec sa « culture machiste », échoue au plan de la protection des femmes et des filles

25 novembre 2016
par Nazaret Castro

fonte Equaltime.org

En 2015, 235 femmes furent assassinées en Argentine pour le simple fait d’être des femmes. Bien qu’une loi existe depuis 2009 dans ce pays d’Amérique du Sud pour combattre le féminicide, la réponse de l’État reste insuffisante. C’est ce qu’a confirmé la Rapporteuse spéciale des Nations Unies, Dubravka Šimonović, dans son rapport d’évaluation présenté récemment au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et l’organisation des droits de l’homme Amnesty International (AI).

19 octobre 2016. Des milliers de femmes à Buenos Aires ont bravé les intempéries pour battre le pavé aux cris de « Ni Una Menos, Vivas Nos Queremos » (« Ni une de moins, nous nous aimons en vie »).

19 octobre 2016. Des milliers de femmes à Buenos Aires ont bravé les intempéries pour battre le pavé aux cris de « Ni Una Menos, Vivas Nos Queremos » (« Ni une de moins, nous nous aimons en vie »).
(AP/Victor R. Caivano)

Il y a un peu plus d’un mois, un 19 octobre qui entrera dans l’histoire, des milliers de femmes à Buenos Aires ont bravé les intempéries pour battre le pavé aux cris de « Ni Una Menos, Vivas Nos Queremos » (« Ni une de moins, nous nous aimons en vie »).

D’autres rassemblements ont été organisés sous le même mot d’ordre dans tout le pays ainsi que dans les principales villes du monde en réaction au féminicide brutal de l’adolescente Lucía Pérez et pour condamner la violence machiste qui, en 2015, a coûté la vie à 235 femmes rien qu’en Argentine et a, depuis le début de 2016, coûté la vie à pas moins de 226 femmes et jeunes filles, d’après l’organisation Mumalá.

Un sentiment de rejet face à ce qui est identifié comme un type de violence qui ne peut désormais plus être passé sous silence s’est emparé de l’Argentine depuis le 3 juin 2015, quand retentit pour la première fois le cri de ralliement « Ni une de moins », dans le cadre d’une campagne médiatique couronnée de succès qui a mis le doigt sur la plaie.

Les femmes latino-américaines semblent décidées à « redéfinir les limites du supportable », comme le résume la féministe mexicaine Raquel Gutiérrez. Il s’agit, explique la chercheuse et activiste Verónica Gago, de « parvenir à un changement dans le seuil d’exigence : Ce qu’on peut dire, tolérer, supporter. Certains clichés persistent, mais il y a, néanmoins, un changement dans la perception quotidienne. » Selon elle, il n’est désormais plus possible de se référer aux assassinats machistes en tant que « crimes passionnels ».

Vers le milieu du mois de novembre 2016, les institutions argentines ont été appelées à rendre compte à la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, la croate Dubravka Šimonović. Cette experte des Nations Unies s’est rendue à Buenos Aires, à Corrientes et à Tucuman, où elle a rencontré des organisations de femmes, des responsables politiques et des femmes victimes de violence.

Elle a ensuite partagé, à l’issue d’une conférence de presse, ses conclusions préliminaires, qu’elle présentera de manière plus détaillée dans le rapport qu’elle soumettra en juin prochain au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Durant sa mission, Madame Šimonović a relevé la présence de « failles considérables » au plan de la prévention de la violence contre les femmes. Elle a notamment mis en exergue le fait que le Code de procédure pénal fédéral, en vertu duquel les délits sexuels ne donnent pas d’office lieu à l’ouverture d’une procédure judiciaire, supposerait « que la violence soit interprétée et perçue comme une question relevant du domaine privé » et non public.

Une autre faille signalée par la rapporteuse spéciale de l’ONU concerne la définition du viol : Celui-ci est défini en termes de recours à la force et non d’absence de consentement, une définition qui « faillit aux normes reconnues internationalement », explique la rapporteuse spéciale.

L’État, « reproducteur » de la violence

Madame Šimonović a fait l’éloge de la capacité du mouvement « Ni Una Menos » à mettre en lumière ces violences et dénoncé les attitudes patriarcales sous-jacentes au sein d’institutions qui devraient normalement protéger les femmes, comme la police et la justice. Il en découle qu’en cas de violence sexuelle, la responsabilité est attribuée à la victime.

L’experte de l’ONU, qui n’a pas hésité à parler de « culture machiste » en se référant à l’Argentine, a souligné la nécessité de développer et renforcer les compétences des professionnels de la protection et d’insister sur l’éducation et la formation, pas seulement des étudiants mais aussi des enseignants.

Elle a profité de son voyage pour demander que la Plan d’action national pour 2017-2019 soit doté du financement nécessaire et soit assorti d’une coordination adéquate entre les institutions, afin que la loi ne reste pas lettre morte et que les différences diamétrales entre les protocoles des différentes provinces soient éliminées.

Elle a en outre demandé l’établissement d’une permanence téléphonique 24/7 pour les victimes de la violence et souligné la nécessité d’une protection intégrale qui garantisse des alternatives pour les femmes en situation de violence.

Pour Amnesty International, « le gouvernement argentin tourne le dos aux femmes victimes de violence ». Selon Mariela Belski, directrice exécutive de la section argentine de cette organisation des droits de l’homme, « le fait que des mesures adéquates ne soient pas prises pour mettre les femmes à l’abri de la violence signifie que l’État peut être considéré responsable de cette violence », en tant que « reproducteur de la violence contre la femme ».

« Le gouvernement néolibéral [de Mauricio Macri] est en train de démanteler une série de recours sur tous les fronts et la violence machiste n’est pas une exception : Ils étaient en train de démanteler l’Unité fiscale spécialisée dans les violences faites aux femmes le 19 octobre, le jour-même de notre marché », précise Verónica Gago.

Cette chercheuse et militante se réfère à une réforme du Ministère public fiscal qui aurait eu pour résultat de supprimer la seule unité fiscale spécialisée dans la violence machiste. Bien que le gouvernement ait abrogé cette réforme, la proposition a néanmoins soulevé un profond malaise parmi les mouvements de femmes.

Féminismes populaires

Entretemps, le mouvement des femmes gagne de l’ampleur et les femmes acquièrent de plus en plus de visibilité au sein du mouvement social. Nonobstant ou « précisément pour cette raison », comme le fait remarquer Gabriela Olguin, directrice de la coopérative de travail El Adoquín : « Nous avons dû nous efforcer trois fois plus ».

« Il y a des filles qui parlent trois langues pour vendre de l’artisanat aux touristes ; qui se lancent dans des études de droit après avoir élevé trois enfants, qui se souviennent des anniversaires des camarades et qui se préoccupent pour leur santé. Vu notre parcours, nous les femmes sommes dotées de certaines qualités idéales pour conduire le mouvement ouvrier », ajoute-t-elle.

Bien que le rejet des femmes dirigeantes persiste chez beaucoup d’hommes, le progrès semble imparable et les changements sont tellement rapides qu’ « il faudra une bonne dose de maturité de la part de tous », insiste la dirigeante.

El Adoquín, qui est affilié à la Confederación de Trabajadores de la Economia Popular (CTEP) regroupe 400 producteurs qui vendent leur artisanat sur la très populaire Feria de San Telmo.

Aujourd’hui, vendredi 25 novembre, alors que se célèbre la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, Gabriela Olguin est citée à comparaître devant la justice : Pour avoir vendu des articles sur une toile (manta) posée à même le sol, elle est accusée d’usage illicite de l’espace public.

Cependant, elle et ses camarades restent bien décidés à résister dans les rues, en dépit de la violence policière.

« Ils emportent tout, sans même se préoccuper de savoir si cette femme est accompagnée de ses enfants ; ils saisissent la marchandise, ce qui pour nous peut signifier qu’on doive passer cette nuit dans la rue ».

Dans pareil contexte, la violence machiste vient s’ajouter à d’autres violences : « Quand en plus on est immigrée et mère de famille, une femme est doublement, voire triplement vulnérable. Mais le fait est que le système capitaliste nous divise à tous points de vue ; c’est une nécessité pour lui de nous diviser. Et c’est une raison de plus pour que nous restions unies », conclut Madame Olguin.

Cet article a été traduit de l’espagnol.

fonte Equaltime.org

ESPANOL

Argentina, con su “cultura machista”, suspende en la protección de mujeres y niñas

por Nazaret Castro

En 2015, 235 mujeres fueron asesinadas en Argentina sólo por ser mujeres.

Aunque desde 2009 existe una ley en el país suramericano para luchar contra los feminicidios, la respuesta del Estado sigue siendo insuficiente, como han comprobado la relatora de Naciones Unidas Dubravka Šimonović en la reciente evaluación ante el Comité para la Eliminación de la Discriminación contra la Mujer (CEDAW, según sus siglas en inglés) –de NNUU–, y la organización de derechos humanos Amnistía Internacional (AI).

<p>19 de octubre de 2016. Miles de mujeres desafían la lluvia en Buenos Aires para salir a la calle a gritar “Ni Una Menos, Vivas Nos Queremos”.</p>
19 de octubre de 2016. Miles de mujeres desafían la lluvia en Buenos Aires para salir a la calle a gritar “Ni Una Menos, Vivas Nos Queremos”.

(AP/Victor R. Caivano)

Hace poco más de un mes, un 19 de octubre que pasará a la historia, miles de mujeres desafiaron la lluvia en Buenos Aires para salir a la calle a gritar “Ni Una Menos, Vivas Nos Queremos”.

Marchas bajo la misma consigna se replicaron en todo el país y en ciudades de todo el mundo en respuesta al brutal feminicidio de la adolescente Lucía Pérez, y en repudio de la violencia machista que, en 2015, mató sólo en Argentina a 235 mujeres, y este año, hasta mediados de octubre, ya ha acabado con 226 mujeres y niñas, según la organización Mumalá.

El sentimiento de repulsa, la identificación de un tipo de violencia que ya no puede seguir siendo silenciado, acompaña a Argentina desde que, el 3 de junio de 2015, se lanzara el grito de “Ni Una Menos”, una exitosa campaña mediática que puso el dedo en la llaga.

Las mujeres latinoamericanas parecen decididas a “correr la línea de lo soportable”, resume la feminista mexicana Raquel Gutiérrez. Se refiere, explica la académica y activista Verónica Gago, a “lograr un cambio en el umbral de la exigencia: lo que podemos decir, tolerar, soportar. Permanecen clichés, pero hay un cambio en la percepción cotidiana”. Los asesinatos machistas, comenta, ya no pueden ser referenciados como “crímenes pasionales”.

A mediados del presente mes de noviembre, las instituciones argentinas tuvieron que rendir cuentas a la relatora especial de la ONU sobre violencia contra las mujeres, la croata Dubravka Šimonović. Esta experta de Naciones Unidas visitó Buenos Aires, Corrientes y Tucumán, se reunió con organizaciones de mujeres, con dirigentes políticos y con mujeres víctimas de violencia, y compartió en rueda de prensa las conclusiones preliminares que expondrá de manera detallada en el informe que se presentará hacia el mes de junio ante el Consejo de Derechos Humanos de las Naciones Unidas.

En su viaje, Šimonović ha comprobado la existencia de “deficiencias considerables” en la prevención de la violencia contra las mujeres. Destacó que el Código Procesal Penal federal, que establece que el procesamiento de delitos sexuales no sea conducido de oficio, lleva a “significar y ver la violencia como un asunto privado” y no público.

Otra deficiencia señalada por la experta de origen croata fue la definición de la violación: ésta se relaciona con el uso de la fuerza, y no con la falta de consentimiento, una definición que “incumple con estándares internacionalmente reconocidos”, explicó la relatora especial.

 

El Estado, “reproductor” de la violencia

Šimonović elogió la capacidad de “Ni Una Menos” para visibilizar estas violencias, y denunció las actitudes patriarcales subyacentes en las instituciones que deberían proteger a las mujeres, como son el cuerpo de policía y la judicatura. De lo que se deriva que, en casos de violencia sexual, a quien se responsabiliza es a la víctima.

La experta de la ONU, que no ha dudado en hablar de “cultura machista” cuando se refiere a Argentina, destacó la necesidad de capacitar a los profesionales de la protección y de insistir en la educación, formando no sólo a los alumnos, sino también a los docentes. Y aprovechó su viaje para pedir que el Plan de Acción Nacional para 2017-2019 se dote del presupuesto necesario y se acompañe de una adecuada coordinación entre instituciones, para que la ley no quede en papel mojado y se eliminen las enormes diferencias en los protocolos de unas y otras provincias.

Solicitó asimismo una línea de atención a las víctimas que funcione 24 horas al día y 7 días por semana, y subrayó la necesidad de una protección integral, que viabilice alternativas para las mujeres en situación de violencia.

Para Amnistía Internacional, “el Gobierno argentino está fallando a las mujeres que sufren violencia”. La directora ejecutiva de la sección argentina de esta organización de derechos humanos, Mariela Belski, ha apuntado que “el hecho de que no se tomen medidas adecuadas para proteger a las mujeres contra la violencia significa que el Estado puede ser considerado responsable de esa violencia”, en tanto que “reproductor de la violencia contra la mujer”.

“El Gobierno neoliberal [de Mauricio Macri] está desarmando una serie de recursos en todos los frentes, y la violencia machista no es una excepción: estaban desarmando la Unidad Fiscal de Género el mismo día que marchábamos, el 19 de octubre”, apunta Verónica Gago.

Esta académica y activista se refiere a una reforma del Ministerio Público Fiscal que hubiese tenido como resultado eliminar la única Unidad Fiscal especializada en violencia machista. Aunque el Gobierno retiró esa reforma, la propuesta causó un profundo malestar entre los movimientos de mujeres.

 

Feminismos populares

Entretanto, el movimiento de mujeres crece, y con él la visibilidad cada vez mayor de las mujeres en el movimiento social. A pesar de, o “precisamente porque”, como señala a Equal Times Gabriela Olguin, dirigente de la cooperativa de trabajo El Adoquín: “nosotras hemos tenido que esforzarnos el triple”.

“Hay chicas que hablan tres idiomas para vender artesanías a los turistas; que se ponen a estudiar Derecho después de criar a tres hijos, que se acuerdan de los cumpleaños de los compañeros y están pendientes de su salud. Por nuestro recorrido histórico, las mujeres tenemos ciertas cualidades que nos hacen idóneas para roles de conducción en el movimiento de los trabajadores”, añade.

Permanece el rechazo de muchos hombres a las dirigentes mujeres; y, sin embargo, el avance parece imparable, y son tan rápidos los cambios que “se va a necesitar mucha madurez por parte de todos”, asegura la dirigente.

El Adoquín agrupa a 400 productores que venden su artesanía en la popular Feria de San Telmo, y que forma parte de la Confederación de Trabajadores de la Economia Popular (CTEP).

Hoy, viernes 25 de noviembre, mientras se celebra el Día internacional de la eliminación de la violencia contra la mujer, Olguin tiene una cita con la justicia: por vender sobre sus mantas se les acusa de uso ilegal del espacio público.

Pero ellas y ellos siguen decididos a resistir en las calles, pese a la violencia policial.

“Cargan sin más, sin fijarse si esa mujer va con sus hijos; se llevan la mercadoría, y eso para nosotros puede significar dormir en la calle esa noche”. En ese contexto, la violencia machista se sobrepone a otras violencias: “Cuando además se es inmigrante y madre, una mujer está doblemente, triplemente vulnerabilizada. Pero es que el sistema capitalista nos fragmenta en todos los sentidos; necesita dividirnos. Por eso nosotras tenemos que permanecer unidas”, concluye Olguin.