Les catastrophes climatiques se multiplient tandis que l’infrastructure hydrométéorologique africaine se détériore

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In this photo taken on 20 October 2015, volunteers replant mangroves outside the Saloum Delta, Diamniadio Island in Senegal. Like millions of others across the continent, these women live on the frontline of climate change.

(AP/Jane Hahn)

Alors que les pays des Caraïbes se heurtent aux effets dévastateurs des récents ouragans (Irma et Maria) qui ont ravagé la région en septembre, les experts tirent la sonnette d’alarme : le sous-développement persistant des technologies et services hydrométéorologiques en Afrique entraîne un grave manque de préparation face aux catastrophes climatiques sur le continent.

L’hydrométéorologie, la science et le mécanisme d’observation du comportement météorologique de l’eau, est un domaine important de la prévision météorologique, car un excès de pluie peut être aussi dommageable que son absence.

Selon les experts, pas moins de 54 % des stations météorologiques en surface d’Afrique et 71 % de ses stations aérologiques (ballons lancés dans l’atmosphère pour recueillir des données météorologiques) sont obsolètes et incapables de collecter des données météorologiques précises.

Selon la Banque mondiale, en raison de cette infrastructure vétuste, les pays africains perdent des milliards de dollars des suites des catastrophes météorologiques et climatiques qui affectent chaque année des millions de personnes à travers le continent.

« L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles en Afrique subsaharienne doit servir d’avertissement pour les gouvernements et la communauté internationale et les inciter à investir dans les services hydrométéorologiques, » a déclaré Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique.

« Des prévisions météorologiques plus fiables permettraient non seulement de sauver des vies, mais également d’aider les villes et les communautés d’Afrique à renforcer leur résilience face au changement climatique, » a-t-il déclaré dans un communiqué de pressepublié à l’occasion du lancement du Forum africain Hydromet de la Conférence ministérielle africaine sur la météorologie (AMCOMET), qui s’est tenu à Addis Abeba (Éthiopie) en septembre.

 

Par ailleurs, selon les informations échangées lors du Forum, de nombreuses catastrophes météorologiques qui se sont produites sur le continent au cours des deux dernières décennies auraient pu être évitées au moyen d’une infrastructure de prévision et de projection appropriée.

« La faculté d’émettre des avertissements précoces sur la base de prévisions précises est particulièrement cruciale pour préserver la vie et les foyers de millions de personnes en Afrique, » a déclaré Josefa Leonel Sacko, commissaire de l’Union africaine à l’Économie rurale et à l’Agriculture.

Les conditions météorologiques et les changements climatiques extrêmes sont responsables de neuf catastrophes sur dix en Afrique et menacent les progrès économiques du continent avec des inondations, des sécheresses, des cyclones tropicaux et des glissements de terrain qui causent de graves dommages aux infrastructures et aux propriétés, ainsi que des pertes en vies humaines et en moyens de subsistance. La Banque mondiale estime qu’il faudrait 1,5 milliard de dollars US pour moderniser les systèmes d’observation météorologique du continent.

« Pour les communautés, des services hydrométéorologiques efficaces (qu’il s’agisse de systèmes de prévisions sophistiqués ou d’une simple jauge surveillant durablement le niveau des eaux) sont l’assurance de pouvoir anticiper une catastrophe naturelle, » a déclaré Petteri Taalas, secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM)

Insuffisance des politiques, manque de ressources

Selon Justus Kabyemera, coordinateur du fonds spécial pour le programme « Climat pour le développement en Afrique » (ClimDev) à la Banque africaine de développement (BAD), le principal défi a toutefois été le manque de ressources dû à des besoins en concurrence avec ceux du développement.

« Le principal point d’achoppement est l’absence de cadres politiques pour les services hydrométéorologiques à travers le continent, ce qui se traduit par l’absence de dotations budgétaires nationales pour les services, » déclare-t-il à Equal Times.

Même si de nombreux pays africains mettent en œuvre de tels cadres de développement mondiaux et régionaux d’une importance égale (comme l’Agenda 2063 de l’Union africaine, le deuxième Plan d’action sur le changement climatique de la BAD, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris), il est urgent d’accorder une attention particulière aux services météorologiques, hydrologiques et climatiques qui aideront les communautés de tout le continent à renforcer leur capacité de résistance au changement climatique.

Toutefois, Kabyemera a déclaré que si les services hydrométéorologiques d’Afrique ne répondent pas aux normes, tout n’est pas sans espoir pour autant. Le représentant de la Banque a déclaré que certains pays comme l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Nigeria, le Kenya et le Maroc ont procédé à des investissements dans le but de moderniser leurs infrastructures. Il a également fait observer que d’autres pays avaient lancé des initiatives visant à renforcer leurs systèmes météorologiques, notamment le Bénin, le Tchad, la République démocratique du Congo et le Soudan du Sud.

Si le financement a constitué un défi majeur, la mauvaise coordination des investissements dans le secteur est aussi responsable de la situation actuelle.

« Les services météorologiques font souvent partie du ministère des Transports et doivent donc lutter pour des ressources limitées contre des projets d’infrastructure liés aux transports. Les investissements ne sont pas coordonnés, la mise en œuvre est fragmentée et, souvent, les connaissances concernant le fonctionnement effectif d’un service météorologique sont limitées, » explique Mary Power, directrice du département du développement et des activités régionales de l’OMM.

Parfois, fait-elle remarquer, les conflits et les risques naturels font reculer les progrès déjà réalisés, ce qui rend difficile la détermination du moment où les pays africains disposeront d’une infrastructure et de services météorologiques fiables.

Nouvelles initiatives

Toutefois, un certain nombre d’initiatives menées par des agences gouvernementales et de développement multilatérales sont en cours de création pour améliorer la situation.

L’OMM, en collaboration avec la Banque mondiale, la BAD, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de nombreux organismes d’aide, a alloué quelque 100 millions de dollars US pour aider 25 pays africains à améliorer les services météorologiques et climatiques, y compris les services destinés à des secteurs économiques sensibles au climat, indique Power.

Cet organisme météorologique mondial fournit également un soutien technique pour la formation et l’éducation du personnel et renforce le partage des données et des informations à travers toute l’Afrique. Il s’emploie également à identifier des ressources supplémentaires afin de financer l’infrastructure météorologique et la prestation des services.

« Le Projet de démonstration concernant la prévision des conditions météorologiques extrêmes de l’OMM partage des produits de prévision sophistiqués des centres de production mondiaux aux États-Unis et en Europe avec les centres régionaux d’Afrique, qui, à leur tour, les transforment en alertes à l’échelle nationale en cas de phénomènes dont l’impact est important, comme des pluies et des tempêtes, » explique Power à Equal Times.

La BAD a également fourni un soutien institutionnel à l’Initiative des institutions africaines pour le climat, un projet de 25 millions de dollars US destiné à renforcer la capacité de centres climatiques africains à générer et disséminer des informations sur le climat aux gouvernements, aux agences d’aide et au secteur privé.

Ces centres comprennent le Centre africain pour les applications de la météorologie au développement, un centre d’information climatique panafricain basé à Niamey, au Niger ; le Centre régional d’agrométéorologie et d’hydrologie pour le Sahel et l’Afrique de l’Ouest, également à Niamey ; le Centre de prévision et d’application du climat, centré sur la région de la Corne de l’Afrique et basé à Nairobi, au Kenya ; le Centre de surveillance de la sécheresse pour l’Afrique australe, basé à Djibouti.
En outre, la BAD investira 21 millions d’euros supplémentaires dans les centres jusqu’en 2019 afin de fournir du matériel pour l’observation des phénomènes météorologiques extrêmes, déclare Kabyemera.

TAHMO

L’un des projets hydrométéorologiques les plus prometteurs en Afrique est le projet de l’Observatoire hydrométéorologique transafricain (TAHMO) qui vise à construire un réseau de 20.000 stations météorologiques high-tech bon marché à travers toute l’Afrique ; une tous les 30 kilomètres.

« À quelques rares exceptions près, l’état de l’observation en Afrique est inacceptable et s’est considérablement détérioré ces dernières années, » déclare Frank Ohene Annor à Equal Times. Il dirige les opérations sur le terrain du TAHMO. « Nous savons également que la situation ne s’améliorera pas si nous continuons à répéter les mêmes choses que celles que nous avons déjà faites au cours de la dernière décennie. »

Selon Annor, la nouvelle génération de stations météo du TAHMO est facile à installer, facile d’emploi et requiert beaucoup moins de maintenance que les stations traditionnelles, l’un des principaux coûts d’exploitation.

« La station est compacte, elle peut être logée dans une boîte de la taille de celle d’une boîte à chaussures (et n’attire donc pas trop l’attention) et est conçue spécifiquement pour être robuste pour l’environnement africain. »

TAHMO compte déjà 296 stations opérationnelles en Afrique de l’Est et de l’Ouest. Fait unique, les stations sont installées dans les écoles afin d’aider à « promouvoir une nouvelle génération de scientifiques » tout en donnant vie au programme d’études.

« Les stations mesurent avec précision tous les paramètres météorologiques standard tels que la quantité de pluie, la vitesse et la direction du vent, le rayonnement solaire, l’humidité relative, la pression barométrique et elles fournissent des mesures supplémentaires basées sur une nouvelle technologie de détection de la foudre en vue de protéger les écoliers, le GPS, l’accélération et la conductivité électrique de l’eau de pluie, » ajoute Annor.

Déjà opérationnel dans les pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest, TAHMO estime que la clé pour résoudre le problème de la surveillance météorologique en Afrique est de rechercher des solutions globales, plutôt que de se concentrer uniquement sur les infrastructures.

« Nous devons imaginer de tout nouveaux modèles, car il ne s’agit pas uniquement d’un problème matériel. [Le problème] doit être abordé au sein des cadres sociaux, économiques et politiques, et notre approche présente donc un caractère novateur sur le plan technologique, mais aussi en tant qu’entreprise, » conclut-il.

 

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